Mizu Washi – Design horloger
Création et réalisation d’un cadran « métier d’art ».
Exercice créatif et technique de design horloger
J’avais envie depuis longtemps de créer ma propre montre et, après avoir suivi une formation auprès de la Fondation de la Haute Horlogerie à Genève où j’ai appris à démonter puis remonter un calibre, je me suis enfin lancé dans cet exercice.
J’ai ainsi dessiné et réalisé le cadran de la montre et l’ai ensuite monté sur un calibre que j’ai moi-même adapté, avant de l’intégrer dans un boîtier.
Je n’ai donc ni conçu le boîtier, ni développé le calibre, ni fabriqué le bracelet de cette montre.
Pourquoi réaliser sa propre montre ?
Avant tout ce défi devait me permettre d’apprendre, d’affiner mes techniques et d’étendre mes compétences. Je souhaitais ainsi me confronter aux contraintes auxquelles font face ceux qui concrétisent les dessins des designers, pour pouvoir ensuite en tenir compte dans mes futurs projets.
Étape 1 – Le choix de la matière première
Avant de commencer à l’ébauche de mon cadran, je devais avant toute chose choisir le calibre et le boîtier de la montre, ces deux pièces déterminant l’espacement disponible.
Mon choix s’est porté sur les pièces horlogères de l’entreprise neuchâteloise Danielle Duplain, alliant qualité et tarif raisonnable. J’ai retenu un boîtier relativement haut et laissant voir le calibre à l’arrière à travers un verre saphir. L’entre-corne pour le bracelet est en revanche un peu trop fin à mon goût et d’une forme générale un peu grossière.
Pour le calibre, j’ai choisi un mouvement ETA 2892, qu’on m’a recommandé pour sa fiabilité. Il s’agit d’un calibre à mouvement mécanique avec un système de remontage automatique.
Étape 2 – Les plans
Avant de commencer le dessin, il me fallait calculer l’espacement disponible pour mon cadran et établir les plans précis. Heureusement ceux du calibre 2892 sont en libre accès sur Internet et il existe même une page web dédiée à l’assemblage et au désassemblage de celui-ci.
Enfin, j’ai intégré dans mes calculs les tolérances et le réhaussage des aiguilles pour augmenter ainsi l’espace disponible pour la création.
Étape 3 – Trouver l’idée et dessiner
Il m’est toujours plus difficile de travailler pour moi-même que pour les autres car le champ des possibles est trop vaste. Aussi, je me fixe quelques contraintes car elles me permettent d’exprimer ma créativité.
Voici les contraintes que je me suis imposées :
- Circonscrire le dessin dans une forme géométrique semblable aux kamons japonais
- Intégrer un animal gravé
- Créer un motif d’inspiration celte ou scandinave
Voici les quelques étapes de mon dessin.
J’ai imaginé une applique très fine, gravée délicatement, mêlant le motif de la vague, l’oiseau et son aile qui seraient surélevés par rapport au fond du cadran que je souhaitais réaliser en micropeinture.
Étape 4 – La concrétisation
J’ai modélisé les deux éléments de mon cadran en 3D, puis j’ai fait fabriquer leur ébauche en laiton par un professionnel via une commande numérique 3 axes.
Une fois les ébauches obtenues, j’ai pu me consacrer à la gravure, au détail de chaque élément (le poli du bec, les plumes de l’aile, l’oeil de l’oiseau…).
Puis, j’ai fait rhodier les deux éléments avant d’apporter la touche finale en peignant le fond du cadran.
Étape 5 – Le montage
J’ai tout d’abord démonté une partie de mon calibre afin d’adapter l’aiguillage à la hauteur souhaitée.
L’étape du montage requiert d’être extrêmement précis et n’autorise aucune erreur, ou presque… Je prends conscience de la pression énorme reposant sur les épaules des horlogers et je les en admire d’autant plus. Je n’avais jamais monté d’aiguilles sur un cadran auparavant et j’ai dû mis reprendre de nombreuses fois…
Étape 6 – Objectif rempli
Quelle sensation étrange… Sur le moment, après avoir fermé mon boîtier de montre et fini d’ajuster le remontoir (la tige pour remonter la montre et régler l’heure), je me suis senti tout drôle : c’était fini, enfin presque…
Étape 7 – Mise à jour
Ayant dû faire de nombreuses concessions initiales sur le choix des matériaux, la réalisation finale ne répondait pas entièrement à mes attentes, notamment la peinture choisie pour le fond du cadran.
Aussi, après avoir pris mon courage à deux mains, j’ai décidé de rouvrir ma montre afin de refaire le fond du cadran en lui donnant un effet azurite.
Le nouveau rendu me convient parfaitement et semble faire l’unanimité !
J’espère que vous avez apprécié, je vous remercie beaucoup de m’avoir lu.
Thomas
P.S : Mizu Washi signifie « oiseau des mers » en japonais.